Terre de songes est une exposition de rencontres. À l’occasion de ses 50 ans de carrière en tant que photographe, Luiz Braga nous invite à parcourir les territoires humains et sensibles qui ont façonné son œuvre – un voyage visuel à travers le nord du Brésil, terre de ses origines et de ses ancêtres. Né à Belém do Pará, Braga a sillonné inlassablement sa région natale et les alentours, allant à la rencontre de ses habitant·e·s, de leurs gestes quotidiens, de leurs récits, de leurs silences. Son travail rend hommage à une culture populaire vibrante, souvent marginalisée, à la vie ordinaire, aux travailleur·euse·s, aux communautés, à ces instants simples mais chargés de sens qui composent l’âme d’un territoire.

Terre de songes est aussi un dialogue transfrontalier, entre le Brésil et la Guyane française – des terres voisines, unies par une histoire partagée, une nature abondante et des réalités culturelles proches. L’exposition propose un regard croisé sur ces identités amazoniennes, souvent méconnues ou caricaturées par les regards extérieurs. Ici, il s’agit de valoriser l’authenticité d’un patrimoine vivant, parfois menacé de disparition ou récupéré sous des formes esthétisantes par certaines tendances artistiques globalisées. La sélection réunit des images argentiques en noir et blanc ou en couleur, ainsi que la série numérique appelée Nightvisions. Lancée en 2006, et intitulée Carte d’Éden, cette exploration technique repose sur l’utilisation de l’infrarouge. À l’origine pensée pour la nuit, Braga détourne cette technologie pour photographier en plein jour, transformant ainsi la forêt amazonienne et ses habitant·e·s en visions irréelles, presque oniriques. La nature et les corps deviennent des apparitions, s’éloignant du réalisme pour toucher l’imaginaire.

Pour Luiz Braga, la photographie n’est jamais un simple témoignage. Elle relève du sensible, du poétique, de la fiction partagée – entre l’artiste, les personnes photographiées et nous, spectateur·rice·s. Ses images ne suivent pas une chronologie, car elles ne sont pas soumises au temps linéaire. Elles nous parlent d’un temps cyclique, d’un temps de l’émotion, du souvenir, du devenir. Terre de songes célèbre l’attention à l’autre. Une photographie de l’écoute, du lien, de la présence. L’exposition propose une déambulation au fil des regards, des textures, des voix, construite autour des émotions qui nous rassemblent. Une traversée sensorielle entre deux rives de l’Amazonie, entre deux peuples, entre deux mémoires.

Dans cet univers que tisse Luiz Braga, la photographie devient espace d’émotion, de rencontre, d’enchantement – une terre commune.