Que transmet-on quand on a grandi avec l’absence ? L’exposition That's not fair, because he should be the one teaching you what that means explore les sillons visibles et invisibles d’un héritage afro-descendant qu’Adeline Rapon cherche à réancrer, entre mémoire familiale, gestes artisanaux et quête d’identité.

En résidence en Guyane, elle intègre des ateliers d’ébénisterie d’artisans bushinengue de la région de Mana. Le bois devient la matière vive d’une transmission familiale fragmentée : d’un côté, le grand-père martiniquais, ébéniste, silhouette effacée et voix au téléphone ; de l’autre, le grand-père corrézien, bricoleur attentif qui lui a appris à poncer, cirer, découper sans se blesser.

Creuser le bois, comme on creuse la mémoire. Photographier, comme on retient les gestes qui risqueraient de disparaître. Pour Adeline Rapon, le travail manuel – du bois comme de l’image – est un acte de réparation autant que d’invention : chaque éclat devient l’occasion de renouer des fils, de construire une continuité possible. À travers la photographie, l’écriture, la sculpture et le geste appris, elle recompose une lignée, pas dans une quête d’authenticité figée, mais dans une vérité en mouvement, traversée de doutes, de silences et de résistances. Elle interroge : De quoi hérite-t-on quand on hérite peu ? Comment apprendre ce que cela implique d’avoir un père noir quand il s’efface et que les transmissions sont des creux à habiter ?

Entre bois précieux, mots gravés et chemins perdus en forêt, l’artiste assemble les fragments d’une filiation éclatée. Elle y mêle mémoire intime et histoire coloniale, geste et récit, pour faire émerger une autre manière d’être héritière, lucide et libre.